Voilà une saga mythique, entourée dès sa naissance, un jour de 1986, par des bonnes fées répondant aux noms de Yûji Horii, Koichi Sugiyama et Akira Toriyama !
Horii remporte (parmi d'autres) en 1982 le concours de programmation de l'éditeur Enix et se voit offrir un voyage à San Francisco pour le salon AppleFest, lors duquel il tombe sous le charme de Wizardry, RPG tournant sur Apple II.
De retour au Japon, il réalise le portage d'un point'n click sur Famicom avec deux autres gagnants du concours de programmation, Koichi Nakamura et Yukinobu Chida, Portopia Renzoku Satsujin Jiken. C'est en découvrant ce jeu que Koichi Sugiyama, compositeur de musiques pour séries télé ou spots publicitaires, exprime par courrier son enthousiasme à l'éditeur qui en retour lui propose de composer des musiques pour un jeu à venir.
Aidé des deux autres développeurs avec qui il a réalisé son premier jeu, Yûji Horii, profondément marqué par Wizardry, veut créer un RPG reprenant le concept de ce dernier en l'adaptant à une sensibilité japonaise. Après beaucoup de concertations avec ses collègues, le jeu commence à prendre forme. Ne reste plus qu'à le créer !
Horii décide alors de s'entourer de valeurs sûres. Koichi Sugiyama devient donc le compositeur attitré de l'OST, et Toriyama, artiste déjà consacré par son hilarant Docteur Slump et sur le point de casser le milieu du shônen avec son indétrônable Dragon Ball, est engagé pour créer la charte graphique et le chara design de ce qui devient alors le premier RPG japonais, Dragon Quest ! Ce trio ne quitte dès lors plus la saga.
De Wizardry, DraQue emprunte le combat en vue à la première personne, mais il partage également des points communs avec un autre RPG sur ordinateur, Ultima, comme le déplacement en vue aérienne sur la carte. La gestion des équipements, le gain des points d'expérience, le recueil d'informations auprès des villageois, etc., viennent bien évidemment aussi des RPG occidentaux.
Le déplacement sur la carte (en dehors des villages donc) et dans les "donjons" (grottes, tours, châteaux ou villages abandonnés) est l'occasion de combats aléatoires fréquents, indispensables pour continuer l'aventure en faisant évoluer les caractéristiques de votre héros (le premier DraQue n'a qu'un seul héros). Ces combats sont matérialisés à travers des fenêtres qui apparaissent sur l'environnement parcouru. Le cadre central affiche le monstre à affronter (là encore, un seul monstre par combat dans le premier DraQue, quelque soit l'endroit où vous vous trouvez), imitant en quelque sorte la vue du héros. Autour de cette fenêtre principale, d'autres menus sont consacrés à divers paramètres (coups donnés et reçus, attaques et magie...). Ce système de navigation est également utilisé pour les autres phases de jeu (villages, boutiques, gestion du ou des personnages).
Diplômé de l'université de Waseda en section littérature, Yûji Horii fait montre de son savoir-faire à travers les dialogues du jeu. Et si l'histoire est d'un classicisme absolu (vous êtes le descendant du héros Roto et devez ramener la paix sur Alefgard, continent menacé par le terrifiant DragonLord), elle inspire le joueur à avancer au travers de ses rebondissements et de la quête du héros, sur les épaules duquel reposent autant les espoirs des opprimés que le poids de son héritage.
À noter que les trois premiers épisodes se déroulent dans le même univers et forment la trilogie Roto. Les trois épisodes suivants forment quant à eux la trilogie Tenku. À partir de l'épisode VII, chaque nouveau jeu est indépendant.
L'anecdote que tout le monde connaît mais qu'on ressort toujours : les DraQue cartonnent tellement au pays de Mishima que chaque nouvel épisode doit sortir un jour férié ou un dimanche par décret gouvernemental, histoire d'éviter que la vague d'absentéisme record chez les écoliers et les salariés lors de la sortie de DraQue III en 88 ne se reproduise !
(Source : IG Mag # 02)
Le premier DraQue est sorti le 27 mai 1986 sur Famicom, et même si on n'est pas encore dans la vague de folie que connaît la licence quelques années plus tard (voir plus haut), le succès est déjà considérable. Un an et demi plus tard, s'inspirant beaucoup de DraQue, Hironobu Sakaguchi sort le jeu qui sauve son éditeur Squaresoft de la faillite, Final Fantasy (même si FF n'est jamais arrivé à la cheville de son concurrent direct en terme de ventes, du moins au Japon), mais c'est une autre histoire !
Si les quatre premiers épisodes sont sortis aux États-Unis (sous le titre de Dragon Warrior) ainsi que l'épisode VII (sur PS1), en France il nous fallut attendre 2006 et le sublime épisode VIII, l'Odyssée du Roi Maudit pour pouvoir profiter d'une version officielle de la licence, et un peu plus tard des portages Nintendo DS des épisodes IV à VIII, ce qui soit dit en passant est la seule raison qui me poussera à me procurer une DS. Depuis chaque épisode est sorti par chez nous... à part les trois premiers (enfin si, mais seulement sur Android et IOS)... et le X, mmorpg sorti uniquement au Japon.
On recense aussi des spin-off, comme les Dragon Quest Monster (simili Pokémon) ou autres Torneko (Donjons-RPG) par exemple.
Et bien sûr, une tonne de produits dérivés, en premier lieu les manga adaptant plus ou moins librement les jeux et / ou leurs univers, au premier rang desquels on trouve le mythique Dragon Quest - Dai no Daibôken ou Fly de Koji Inada et Riku Sanjo (dont l'adaptation animée peut se targuer d'avoir une OST composée par Koichi Sugiyama en personne), ou le très bon Dragon Quest - Emblem of Roto de Kamui Fujiwara et Chiaki Kawamata. Mais aussi des anime, comme Dragon Quest - Abel Yûsha de Rintaro et Katsuhisa Yamada, qui reprend des éléments de l'univers de DraQue III.
À signaler la sortie récente en France d'un art book consacré à la saga recensant entre autres le bestiaire de celle-ci à travers des illustrations et une interview de Toriyama.
Mon premier contact avec la saga DraQue remonte à la fin de l'été 94, à la diffusion du tout premier épisode de Fly au Club Dorothée (dès le premier épisode j'étais hypnotisé par cet univers) puis à un dossier Dragon Quest dans un Player One de 1995, au sein duquel je bavais devant les illustrations du chara design de Toriyama pour le sixième opus de la saga. La frustration de ne pouvoir jouer à un jeu dessiné par Toriyama était énorme et ne fut soulagée qu'à la sortie de l'Odyssée du Roi Maudit, d'abord dans sa version américaine (j'étais bien trop impatient et j'ignorais alors que le jeu sortirait en France... presque un an plus tard !) puis dans sa version française ! Cette joie, le jour où j'ai appris qu'il allait enfin sortir un DraQue localisé en français ! Depuis quelques semaines je rattrape mon retard. J'ai terminé le premier DraQue dans sa version Snes (dix heures à tout casser, comme Mystic Quest, tiens, mais en mille fois mieux et plus immersif), et je m'apprête à arpenter le repaire de l'infâme Hargon, grand vilain de DraQue II, avant d'attaquer les épisodes suivants jusqu'au XI, qui devrait inaugurer l'achat de ma PS4 pro.
Quelques frustrations (un seul point de sauvegarde dans DraQue I, bonjour les allers-retours, et des items super importants dans DraQue II cachés à la ballec, que si t'as pas de soluce tu vas en chier à tourner en rond pendant des heures pour les trouver), mais un plaisir de jeu que je n'avais plus ressenti depuis mes Shining Force et mes Phantasy Star ! Contrairement à FF, les DraQue sont des jeux très conservateurs. Il a par exemple fallu attendre l'épisode VI pour voir les monstres s'animer lors des combats et l'épisode VIII pour voir nos héros en action dans ces mêmes combats ! Et ne parlons pas de la difficulté qui pourra en rebuter certains, habitués aux RPG plus permissifs de ces dernières décennies, de l'obligation d'augmenter son niveau d'expérience très tôt dans chaque épisode ! Afin d'espérer survivre dans cet univers, dès les premières heures vous devrez rester à proximité des châteaux ou villages pour emmagasiner des points d'expérience et éviter de mourir et perdre ainsi la moitié de votre or pour ressusciter ! Et vous découvrirez vite que plus vous vous enfoncerez dans les contrées éloignées plus vos adversaires seront redoutables. Cependant, même si le côté conservateur est prononcé, ça n'a pas empêché la série d'apporter des améliorations et des innovations à chaque nouvel épisode. La capture de monstres (avant Pokémon), les perso cachés ou encore le système des classes (ou métiers) en sont de parfaits exemples.
Bref, du J-RPG à l'ancienne, qui demande parfois beaucoup d'amour, mais un amour qui vous est rendu multiplié par mille en retour pour votre persévérance !