OMAC
L'Arme Ultime
Dan Didio - Keith Giffen
"Je suis OMAC !"
Kevin Kho est un employé de Cadmus Industries, une société spécialisée en recherches génétiques et technologies médicales. Intelligent et travailleur, il exaspère néanmoins sa petite amie, Jody Robbins, par ses absences intempestives à leurs rendez-vous.
C'est lors d'une de ces absences qu'un colosse bleu attaque Cadmus en hurlant à qui veut l'entendre "
Je suis OMAC !". Guidé par une voix venue de nulle part, il cherche à atteindre l'ordinateur central de la société, basé dans les niveaux inférieurs et interdits à presque tout le personnel. Et pour cause, c'est à plus d'un kilomètre sous terre que le vrai projet Cadmus a lieu, car les recherches génétiques qui y sont menées dépassent l'entendement humain.
Ayant amené son arme vivante là où elle le souhaitait, la voix l'utilise comme interface pour fusionner avec l'ordinateur central et ne faire alors plus qu'un avec ce dernier. De ce fait, le colosse appelé OMAC et la voix, émanant d'un satellite en orbite autour de la Terre se faisant appeler l'Oeil, sont désormais liés l'un à l'autre, et OMAC disparaît pour laisser place à l'humain qui lui sert de réceptacle, Kevin Kho. L'Oeil a atteint son objectif, Kevin lui est subordonné, et ce n'est que la première étape d'une escalade vers plus de pouvoir et un objectif encore obscur, mais qui se dévoilera peu à peu au cours de cette aventure.
De manière assez ironique,
OMAC - l'Arme Ultime se termine à son huitième chapitre, comme l'oeuvre d'origine. Et il n'est pas interdit de voir dans le dernier chapitre du présent recueil une malice évidente dans le choix de Didio et Giffen de ne pas apporter de véritable conclusion à leur histoire (à l'instar de la série originale), encore que par rapport à l'
OMAC de Jack Kirby, la frustration soit moins forte, puisqu'il y a néanmoins la fin d'un cycle (et qu'elle appelle fortement à une suite).
Tout au long de ces huit chapitres, les auteurs se sont ingéniés à placer de nombreux indices et pistes quant à la nature du combat de l'Oeil, ainsi que son antagonisme avec Checkmate et Cadmus. Pour autant, il reste cependant difficile de déterminer précisément qui est le véritable vilain dans l'histoire. La seule chose de certaine, c'est qu'à l'instar de Buddy Blank, Kevin Kho est la victime de cette lutte de pouvoir.
Bien plus présent dans l'histoire que ne l'était Buddy, Kevin voit sa vie s'effondrer dès le moment où l'Oeil décide, pour une raison inconnue, de faire du jeune homme le réceptacle de sa création. Son passé ne sera dévoilé que dans le dernier chapitre et montre clairement que l'état dans lequel il se trouve depuis qu'il est devenu OMAC le ramène à la vie qu'il menait avant de rencontrer Jody, la femme de sa vie.
Si Kevin Kho est plus développé que ne l'était Buddy Blank, cela peut s'expliquer par le fait que cet OMAC ici présent tient plus de
l'Incroyable Hulk que d'un
Captain America futuriste (deux créations de Jack Kirby). Kevin tente de fuir l'influence de l'Oeil omniprésent (au travers des appareils électriques l'entourant, écrans de télé, ordinateurs, écouteurs de baladeurs, etc...).
Non seulement il est pourchassé tel un fugitif, mais il sait aussi qu'il abrite un monstre en lui. Le monstre répète d'ailleurs continuellement les mêmes choses ainsi que les ordres qui lui sont donnés, et ne semble pas doté d'un intellect élevé, tel le Hulk des origines.
Ainsi, hormis un développement plus conséquent du réceptacle humain, on ne peut que constater qu'
OMAC - l'Arme Ultime, plus que reprendre l'histoire originale, est un véritable hommage à l'oeuvre de Kirby chez DC Comics, voire une lettre d'amour des auteurs à tout ce qui fait la spécificité d'une histoire du King.
Non seulement l'oeuvre est empreinte tout du long de l'influence du style Kirby dans son aspect graphique, hommage évident de Keith Giffen, du découpage (le fameux gaufrier et les splash-pages) jusqu'au trait (le chara-design autant que les "effets" tels les "Kirby krackles"), mais également dans l'univers dépeint.
Evidemment,
OMAC est à la base un concept créé par Kirby, mais cette version introduit aussi des éléments et personnages du
Quatrième Monde et de
Kamandi, liant les trois titres dans l'univers des N52 sans que la chose ne paraisse forcée ou imposée, par l'entremise du voyage de Kevin Kho.
Bien sûr, s'il ne s'agissait que d'un hommage et une succession de clins d'oeil aux œuvres de Kirby, l'intérêt serait vite limité, mais l'histoire est solide, les personnages sont bien implantés et l'on prend un grand plaisir à suivre les mésaventures de Kevin et son alter-ego, manipulé par l'Oeil dans un conflit qui le dépasse autant que le lecteur. Les enjeux restent toujours flous, mais les indices sont suffisamment nombreux pour ne pas perdre le lecteur et l'inciter à se faire ses propres déductions, entre les expérimentations de Cadmus, les manigances de Maxwell Lord et les phrases énigmatiques de l'Oeil.
OMAC - l'Arme Ultime est une oeuvre que ne renierait sans doute pas Jack Kirby. Si elle transpire le respect et l'amour qu'ont les auteurs pour le King, elle n'oublie pas pour autant de raconter une histoire passionnante, où la science-fiction côtoie les intrigues politiques, la manipulation et d'autres manigances des véritables monstres cachés dans l'ombre et attendant leur heure, tout en apportant au lecteur un certain plaisir coupable à lire une histoire où chaque chapitre voit arriver son lot de guests.
Il n'y a pas meilleur hommage que l'on puisse rendre à Kirby que de saisir l'essence de ses œuvres et d'en ressortir d'autres récits tout aussi captivants.