Je fais pas beaucoup de retour sur King, parce que généralement je suis tellement à contre courant sur le sujet que je vois pas bien l’intérêt à part dire
"Mais moi j'aiiiime!"
Mais pour cette série j'ai vraiment envie de dire quelques mots, de la défendre. Parce qu’autant je comprends pour le travail de King sur Batman, je comprends évidemment pour Heroes in Crisis. Autant ici je trouve les détracteurs de ce titre de mauvaise foi.
Enfin les goûts et les couleurs hein, bien sur.
Alors je propose une autre couleur, un autre gout. Je crois que ce titre le mérite.
En sachant que je l'ai lu en VO, que je viens faire un retour ici en VF pour conseiller ceux qui voudraient se lancer dedans.
Zéro spoiler. Promis.
Je vous aime les lecteurs VF
Superman : Up in the Sky
Petit point éditorial. Cette série était publiée à la base dans un magazine Walmart par chapitres de 12 pages, que DC a ensuite ramenés à des chapitres de 24 pages. Il y a donc, techniquement, plutôt 12 numéros, 12 chapitres en tout cas.
Ça a, pour moi, son importance pour deux raisons.
D'abord la narration est extrêmement sèche et ce redécoupage n'aide pas. Il faut bien comprendre qu'il y a douze moments bien distincts, au moins séparés par du temps qui s'écoule, mais surtout avec de grandes différences de tons et d'intentions. On se retrouve 10 fois complètement lâché dans une nouvelle aventure de cette course dans l'espace. Toutes les 12 pages on se retrouve dans un nouvel endroit, un nouveau moment, un nouveau méchant. Avec parfois des flashs-backs, des changements de narrateurs et des situations folles.
King ne prend personne par la main, ni le héros, ni le lecteur. On ne sait pas où on est, est-ce que ce qu'on voit est réel, pourquoi ça arrive, comment. Et ça va vite, très vite, format de 12 pages oblige.
Ensuite il y a pour moi une intention claire tout le long de ce livre, le vrai fil rouge c'est de montrer que Superman n'abandonne pas, qu'il est le meilleur. Comme Morrison faisait faire, dans
All-Star Superman, 12 travaux à son homme d'acier, King oppose Superman à 12 problèmes, 12 questions, 12 doutes, 12 challenges.
Je suis persuadé que King a voulu poser une question. Tant à lui, à nous, qu'au personnage.
Superman est-il toujours pertinent dans les comics actuels?
Et au lieu de prendre l'axe de
All-Star Superman, c'est à dire proposer un comics pertinent dans les années 2000 en apportant la folie du Silver Age et un titre à l'opposé de la mode du moment.
Au lieu de faire ça King a pris Superman et l'a foutu dans le tas de merdes, de dépressions, de meurtres, de guerres intergalactiques qu'est les comics modernes.
Chaque chapitre est un mini
Heroes in Crisis, un mini
Infinite Crisis. Des mondes de plus en plus cyniques, sombres et tristes.
Avec cette question "Est-ce que Superman, ce boy-scout qui veut sauver la veuve et l'orphelin, est encore pertinent ici?"
Mes comics préférés de Superman sont ceux qui élèvent au dessus de ce marasme le héros. Le travail de Morrison, de Waid, de Loeb. Pour moi il est évident que la pertinence de Superman est dans cette capacité qu'il a d'être créateur de bons titres en dehors des mouvances, des modes, de ce Dark Age dans lequel, pour moi, nous sommes coincés.
Le travail de King n'a pas cette intelligence. Il prend le biais inverse et nous plonge dans les morts à gogo, je crois qu'il y a une issue avec une trentaine de morts d'un même perso dedans. Ce faisant il ne critique rien de la situation actuelle, n'apporte rien, est un comics de plus dans la liste des comics sombres qui sortent chaque semaine.
Je suis d'accord. Mav le dit. "Dark, surenchère, dépressif".
C'est vrai.
Est-ce que faire cela dans un but précis est suffisant?
Peut être pas.
Sauf que je crois que King arrive à son but.
J'ai pas vu beaucoup de monde dans la section VO lire les deux derniers chapitres. Il faut.
Avec tout ce que je viens de vous dire ça parait évident. Evidemment il faut montrer que Superman est pertinent, il y a donc un rayon de lumière, il est le rayon de lumière.
Magnifique.
Et même avant ça je vois pleins de qualité à ce titre.
Les dessins de Kubert que j'aime beaucoup, son Batman est parfait comme toujours, son univers peuplés de milles races et monstres est classique mais efficace.
J'aime cette narration épileptique, avec un narrateur ultra présent mais qui ne raconte pas ce qu'il se passe, qui laisse l'image agir. Quand King ne part pas dans des poèmes et des maximes douteuses il est très bon dans cet exercice. Il y est ici excellent, certainement grâce au rythme très rapide qui ne lui laisse pas le temps de se regarder lire.
Son Superman roué de coups, coincé dans un monde dépressif mais qui ne lâche rien est vraiment réussi. Il devient de plus en plus monolithique, sans sombrer dans l'abandon, la résignation ou la tristesse. Pour moi il y a une jolie finesse dans l'analyse psychologique du personnage, cet apparent mutisme pour se protéger. Le sauveur plus que l'homme. Jusqu'aux dernières issues et une libération de sentiments et d'amour qui rendent le personnage très beau, très fort.
Cette visite dans l'univers DC est dingue, en quelques pages King a foutu tout ce qu'il aime du mythos Superman, tout ce qu'il aime de l'univers DC aussi. On croise le 4th World, il y a des références à d'anciennes histoires, des mondes un peu oubliés. Une visite dans un univers riche.
Vraiment, cette idée de Superman qui fait tout pour sauver une personne juste une personne. J'y vois le Superman de Peace on Earth de Dini, le Superman de Morrison qui sauve une personne au bord du suicide.
King aurait pu nous proposer un personnage profondément et super-héroïque. Il décide de nous proposer un personnage qui essaie de rester humain et super-héroïque dans un monde qui n'a plus rien d'humain.
Et les deux derniers issues...
Dans tout les cas ça vous laissera pas indifférent.